L'âme de crocodiles en BD


Des crocodiles de BD on en connait, à commencer par ceux avec qui Tintin et Milou ont eu maille à partir lors de leur errance au Congo. Et le moins qu'on puisse dire, c'est que ces braves sauriens à la large gueule remplie d'incisives acérées n'ont pas bonne presse, rares sont ceux qui ont le beau rôle. Ils sont classés parmi les ennemis viscéraux des hommes, des gros lézards mangeurs de chair humaine. Donc c'est acté, ces animaux de l'ordre des crocodilia seront du coté des méchants. Leur voracité est mise en avant, c'est un ennemi incurable des tarzanides de tout poil, dès qu'un quidam ose pénétrer dans l'eau de la rivière. A croire ces archosauriens toujours affamés, alors que lorsqu'ils ont empli leur estomac, leur digestion est si lente (leur dentition ne permet pas la mastication) qu'un adulte peut rester des mois sans manger.
Alors on les massacre, comme ce père blanc du Congo...

L'oeil de Zoltec © Tully & Solano Lopez
Tintin au Congo © Hergé



Le coup du bois dans la gueule par Rex Maxon (TARZAN n°50, éd. Mondiales, août 1947)

Tarzan le premier a évidemment eu son lot de bastons avec les crocos, ainsi que l'illustre la planche ci-dessus due à Rex Maxon (dessinateur du ape man en même temps que Hal Foster). Les strips originaux datent de 1947, et à la même période, de l'autre coté de l'Atlantique (et de la Mer du Nord), le jeune André Franquin lance Spirou et Fantasio pour leur première grande aventure sur la piste d'un héritage, qui les amènera jusqu'en Afrique. Où la traversée d'une rivière s’avéra aussi dangereuse...

Extrait de "L'héritage" © Franquin et Dupuis
Des crocos prêts à mâcher Chewing-gum Bill...
Si l'on en reste chez les grands anciens, rappelons-nous la façon dont Moustache et Trotinette, lors de leurs péripéties sur l'Île Mystérieuse, se sont débarrassés d'un de ces archosauriens. On est en 1954, cela se passe dans l'hebdomadaire FEMMES D'AUJOURD'HUI, le grand Edmond François Calvo est aux commandes. Le chat et la souris sont échoués sur une terre inconnue au milieu de l'océan en compagnie de la petite indienne Choupinette et de Coquin le chien. Mais leur ennemi depuis leur précédente aventure au far-west Chewing-gum Bill se trouve également sur l'île. Ajoutez à ce thriller à huis clos des sauvages cannibales, et des crocodiliens qui infestent le rivage, le tableau est complet !
Un de ces crocodiles a ciblé Trottinette, sans doute jugeant là un excellent apéritif. La planche ci-dessous décrit très bien le suspense terrifiant de la scène. Mais apprécions comment Calvo, grand maître du noir et blanc, a renouvelé la meilleure manière de neutraliser un crocodile en BD, à savoir l'empêcher de refermer ses terribles mâchoires sur sa proie. Et savourons le sel des commentaires de l'avant-dernière vignette.
© E.F. Calvo & Futuropolis 1986

Mais d'abord place à la science ! Enfin, celle de Buffon et son "Histoire naturelle" écrite au XVIIIème siècle, que le maître animalier Benjamin Rabier s'est plut à illustrer dans un ouvrage publié en 1924 par l'éditeur Garnier. Je vous laisse apprécier ces textes et images, qui sollicitent plus notre imaginaire que nos connaissances zoologiques.

Le Buffon choisi © Rabier, édition Circonflexe, 2009

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 Cela date, tout de même. Aussi rétablissons une certaine vérité concernant les crododiliens, avec la perception qu'en a un autre grand spécialiste de la faune :  Crocodile Gotleeb

Le poisson d'avril des animaux

Dans la "Rubrique-à-brac" Gotlib met en cases de nombreux animaux où ils ne s'y retrouvent pas souvent à leur avantage. Notre archosaurien n'y échappe pas. Ainsi dans le n° 440 de PILOTE (de 1968), la RAB évoque le premier avril zoologique. Un brave crocodile ouvre une large gueule afin de permettre à l'oiseau-qui-lui-nettoie-les-dents d’officier. Pan ! Ni une ni deux, l'espiègle volatile lui coince un bâton entre les mâchoires, laissant le croco désemparé.
Huit semaines plus tard, le duo revient, pour une hilarante séquence dédiée à ce fameux oiseau, que le courrier nombreux reçu par Gotlib lui permet désormais de désigner sous son vrai nom, le pluvian.

 
Dans une autre Rubrique présentée par le Pr Burp, l'humoriste joue avec les expressions pleurer des larmes de crocodile et le rire de la hyène.
Autre cas étrange, celui de la poule qui élève un croco parmi ses poussins, à son grand dam. Ici le commentaire est freudien...


Une autre fois, l'exemple de l'archosaurien qui découvre à ses dépens ce qu'il en coute d’empiéter le territoire d'un hippopotame.
Enfin, le prof ne pouvait passer à coté. Dans le PILOTE n° 580 de décembre 1970, Burp consacre un exposé entier au crocodilia (ci-dessous), où le lecteur apprendra en deux planches l'essentiel concernant la bête, le reste n'étant que futilités... On remercie Burp (et Gotlib) pour tant de savoir.



© Gotlib, Dargaud.
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Toutefois apportons une petite précision zoologique à ce brillant exposé. L'ordre des crocodilia se partage en trois familles, celle des alligatoridae, des crocodylidae et des gavialidae. Cette dernière comporte une seule espèce, gavialis gangeticus ou gavial du Gange. La seconde, la plus répandue, recense des espèces que l'ont rencontre de l'Amérique à l'Océanie, mais principalement en Afrique et Asie du sud/sud-est. La première famille se compose elle des caïmans, vivant exclusivement en Amérique latine, et des alligators, habitant des States, voire du Mexique et de la Chine.
Première mascotte de l'UF (1913)
Certains comic artists américains ne manqueront pas d'évoquer l'alligator dans leur bandes si celles-ci ont pour cadre l'environnement naturel du bestiau.
D'ailleurs les étudiants de University of Florida de Gainesville adoptent dès les années 1910 l'alligator comme mascotte. Plus tard prénommé Albert, il lui sera adjoint une femelle, Alberta, en 1986. Devenu emblème, les crocodiliens gagnent en sympathie. Walt Kelly le premier présente un spécimen particulièrement attachant. Aussi dans les années 70, la mascotte universitaire ressembla à un des célèbres habitants du Okefenokee Swamp, le dénommé Albert, ami de Pogo Possum.

Albert Alligator (POGO de Walt Kelly)


Dans l'univers de la bande dessinée états-unienne, Albert est certainement l'alligator le plus célèbre. Personnage principal du strip "Pogo", au même titre que Howland Owl, Churchy LaFemme ou Beauregard Buggleboy, Albert en impose par sa prestance et son aplomb qui font oublier son incompétence.

Première apparition de Albert et Pogo dans ANIMAL COMICS en septembre 1942
AC n°1, couverture de H.R. McBride
Il apparait sous une première version dès 1942 dans une bande dont le héros est Bumbazine, un garçon afro-américain vivant dans les marécages. Walt Kelly, juste débauché de chez Disney, entreprend ce travail pour le comic book ANIMAL COMICS de Dell. Dans la première histoire de 5 planches "Albert takes the cake", l'alligator assume sa gourmande voracité, en chipant le gâteau que Bumbazine a cuisiné pour l'anniversaire de son ami opossum Pogo. Mais le goulu hésite à manger la pâtisserie d'abord, ou bien l'un des deux amis. Finalement ces derniers auront raison du saurien par ruse et lui échappent.
Albert est représenté dans un style réaliste caricatural, le corps allongé et une bonne bouille, une gueule à quatre dents seulement, des yeux rieurs. Pas de griffes non plus, il ne fait pas peur. Il se tient parfois debout, et use de ses mains. Il peut se déplacer sur deux jambes, ou à quatre pattes.
Albert est, dans ces premières histoires, le personnage autour duquel tournent les intrigues. Il est l'ennemi de Bumbazine et des habitants des marais, et joue un rôle bien plus important que l'opossum. Sa personnalité est la plus aboutie parmi les protagonistes. D'ailleurs dans le n°8 de ANIMAL COMICS Walt Kelly compose une planche-gag pour lui seul. Il y en aura d'autres par la suite. Il fait également l'objet de petits contes illustrés.
ANIMAL COMICS#8, pg2 (avril 1944)

Son aspect a déjà changé, à l'instar des autres personnages, le graphisme s'est arrondi. Notre alligator y perd ses dents, ainsi que son coté prédateur, tout en gardant son bon appétit. Le manger est une thématique importante dans ses histoires. Dans le récit "Albert holds that tigah" (AC #10, août 1944) alors qu'il doit combattre un tigre (dans les marais américains ? Improbable ! ), Albert adopte une attitude menaçante et redevient un alligator prêt à mordre en un style semi-réaliste. Mais très vite il reprend son aspect funny.
C'est à cette période aussi que Kelly peaufine le langage des marais, qui fera la spécificité de la bande. Parallèlement Pogo Possum lui aussi tend vers ce qu'il sera dans les strips.


Les récits se suivent dans ANIMAL COMICS, le petit Bumbazine finit par disparaitre (Kelly ne se sentait pas à l'aise de mettre en scène des humains), tandis que Albert et Pogo s'imposent au premier plan. D'ailleurs le titre générique se mue en "Albert and Pogo". D'autres personnages récurrents font leur apparition, comme Churchy, Rackety Coon, Porkypine, Howland Owl... Le graphisme et l'humour de Walt Kelly font de la série une des vedettes du comic book, avec "Uncle Wiggily" de Gaylord DuBois et Hubbel McBride. Kelly signe désormais la plupart des couvertures. 

FOUR COLOR #105 (1946)
Notre alligator loge dans un arbre creux au bord de l'eau, ses neveux le visitent, il partage avec Pogo la pêche à la ligne, il se prend à fumer le cigare. Toutes ces caractéristiques qu'on lui connaitra plus tard. L'auteur dote son personnage de ses traits de caractères définitifs, alors que celui de Pogo va connaitre encore des évolutions.
Le 30ème numéro de ANIMAL COMICS sorti en décembre 1947 est le dernier de la collection. On retrouvent certains épisodes dans des FOUR COLOR. Les aventures de Pogo, Albert et consorts se poursuivent dans un nouveau comic book, POGO POSSUM, qui va connaitre 16 sorties entre 1949 et 1954. Le changement d'intitulé témoigne du choix de Walt Kelly de mettre en avant son petit opossum. Notre alligator sera bien évidemment toujours très présent dans les récits.

POGO POSSUM #1 (1949)
La suite pour Kelly et ses amis des marécages se déroulera sous forme de strip, à partir de 1948 dans le NEW YORK STAR.

Premier strip où apparait Albert, en octobre 1948


© Walt Kelly, Dell
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Walli Gator

Extrait du célèbre générique
Wally Gator is a swinging alligator in the swamp.
He's the greatest perculator when he really starts to romp.

There has never been a greater operator in the swamp.
See ya later, Wally Gator.

Cette vedette de la télé ne l'est pas forcément des comics, mais comme tout personnage de cartoons, il a eu droit à une version BD. Wally Gator est une création du studio d'animation Hanna & Barbera au tout début des années 60. Une première série est diffusée sur la TV états-unienne en 1962/63 dans le cadre de l'émission pour enfants The Hanna-Barbera New Cartoon Series.
Bien que la chanson du générique le présente comme un alligator des marécages, Wally est en fait un animal de zoo, soumis à la surveillance du scrupuleux gardien Mr Twiddle (M. Tourniquet en France). Un instinct primitif peut-être le pousse à s'échapper de sa cage pour découvrir le monde extérieur et espérer une vie meilleure. Mais les évènements malheureux qu'il y subit l'amènent à retrouver son home-sweet-home de zoo. C'est ainsi à chaque épisode.


Ce crocodilien qui parle est coiffé d'un pork pie hat, chapeau popularisé par Buster Keaton, et arbore un col blanc et des manchettes (comme Yogi). La classe ! Personnage connu, Wally Gator est donc adapté en BD, mais ce ne sera pas une consécration. Il est le héros de quelques récits courts, mais plus souvent est un compagnon d'aventures (ou mésaventures) de ses collègues Yogi Bear, Huckleberry Hound, voir Scooby Doo.
Vous les reconnaissez ?


#1 d'avril 1962
Ainsi Wally Gator est au sommaire des comics Gold Key des années 60, faisant sa première apparition BD dans le n°1 des 'Band-Wagon'. On le lit dans des comics dédiés à l'écurie Hanna-Barbera (quelques 'Golden Comics Digest', 'Cave Kids', 'Huckleberry Hound', 'Magilla Gorilla'). Plus tard c'est Marvel Comic's Group qui édite des fascicules reprenant des BD du studio (comme les 'Hanna-Barbera Parade' en 1971 puis les 'Laff-A-Lympics' en 1978). Mais aucun titre à la gloire de Wally Gator.
Wally fait l'objet d'ultimes aventures chez DC dans le comics 'Cartoon Network Present' en 1997. Une histoire est visible sur le blog du scénariste Sam Henderson ici (dessins de Gary Fields).

En France très peu de reprises de ces bandes (aucune ?), alors qu'en Grande Bretagne parut dans les années 1972/73 un hebdomadaire titré HANNA-BARBERA FUN TIME où l'on retrouve l'alligator. On doit se contenter d'un petit livre illustré publié par Whitman France en 1976, titré "Les aventures de Wally Gator".
Il s'agit d'une transcription d'un album paru en 1963 dans la collection 'Tale A Tale' de Whitman, sous le titre "Wally Gator- Guest what's hiding at the zoo". L'histoire écrite par Eileen Daly est illustrée par l'artiste canadien Mel Crawford, un ancien de chez Disney et Western Publishing.

Allez, one more time : "Wally Gator is a swinging alligator in the swamp..."

 © Hanna & Barbera
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Les alligators du Mississipi (Lucky Luke)

Des alligators à l'affut du Daisy Bell...

La Floride n'est pas le seul lieu où vivent des crocodiliens aux Etats Unis. Le capricieux Mississipi en est aussi infesté, du moins si l'on s'en réfère à l'aventure qu'ont vécue Lucky Luke et Jolly Jumper sur ce mythique fleuve.
Après avoir convoyé en Louisiane un troupeau de bêtes à cornes, le lonesome cowboy va se frotter aux bêtes à dents.
Dans l'épisode "En remontant le Mississipi" paru dans SPIROU en 1959, Lucky prend le parti du capitaine Barrows contre son rival Lowriver, lors d'une course entre leur deux bateaux à aubes, le Daisy Bell et le Asbestos D. Plower. L'enjeu, l'exclusivité de la ligne Nouvelle Orleans-Minneapolis. Evidemment, le capitaine Lowriver n'a aucune envie de respecter les règles, et tous les mauvais coups lui seront permis.

Dès la couverture de l'album, on comprend que les alligators se posent en arbitre, alléchés qu'ils sont. Et s'ils peuvent au passage se sustenter d'un ou deux bonshommes, ce sera pas mal...
On les remarque au fil des cases aux aguets, surveillant les immenses bateaux transportant tant de chaire humaine.
Mais hélas pour ces pauvres bêtes, les quelques hommes qu'ils auraient pu chopé dans le fleuve ce sont révélés plus coriaces que prévu, et le déjeuner est tombé à l'eau...

Têtenfer Wilson, pas digeste...
...et Pistol Pete pas mieux.

© Morris & Dupuis
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La petite fille Bois-Caïman
(Livre deux) éd. 12 Bis, 2010

Gare aux doigts ! (Bois-Caïman, planche 86)
Les fans de la série de François Bourgeon "Les passagers du vent" connaissent le fantastique destin de Isa, brune rebelle à l'autorité et au conformisme, née en 1764 en Europe et qui finit sa vie dans les bayous de Louisiane quelques cent ans plus tard. Elle racontera sa vie à son arrière petite-fille Zabo, qui l'a accompagnée à ses derniers instants (in "La petite fille Bois-Caïman" en 2 tomes).
Cette petite aura ainsi appris à connaître les marais, et à se méfier des bois flottants...
Et puis elle aura compris que les caïmans sont aussi les gardiens des bayous.

Planche 139, Zabo ne tirera pas.
© François Bourgeon & 12 Bis, 2010

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Les crocos chez Disney

A l'instar de nombreux animaux, les crocodiliens sont présents dans la production Disney. Et le public les connait, popularisés par les dessins animés élaborés par le maître et ses équipes. On ne s'y attaquera que sommairement, d'abord parce que Coquefredouille s'intéresse principalement à la BD, ensuite et surtout parce que des sites web spécialisés Disney y consacrent des pages. Pour exemple, en français, celui-ci, "http://personnages-disney.com", concis et clair, d'où émane la page ci-dessous, à partir de laquelle on peut suivre plus précisément plusieurs personnages. On y apprend l'essentiel, aussi inutile de s'y attarder.

Toutefois les caractéristiques de ces Disney-crocos diffèrent selon les cas. Peut-on rapprocher le subtil Ali Gator danseur de "Fantasia" des deux brutes de Médusa, ennemis des rescuers Bianca et Bernard. Ou bien le crocodile qui en veut au Capitaine Crochet et le brave Louis des bayous qui ne rève que de musique.

Ali Gator & Hiacynth Hippo, dessin préparatif de Les Blair
Certains sont à quatre pattes, d'autres anthropomorphisés, comme le capitaine des gardes du Prince Jean ou le footballeur de "L'apprentie sorcière". Mais, en gros, s'il ont le mauvais rôle pour certains d'entre eux, ils ne sont jamais représentés comme des féroces, et apparaissent alors plus bêtes que méchants. Après tout, tout le monde est sujet à la faim. Et le public de Disney est gentil tout plein, aussi ne le heurtons pas avec des gueules béantes pleines de dents.
On a évoqué le crocodile de "Peter Pan" surnommé Tick Tock Croc, mais voyons ce qu'il en est de celui présent dans la version de Régis Loisel, version pas très choupinou pour le cas...


Et dès la première apparition du bestiau à la planche 40 du tome 1 on constate la différence ! Un mastodonte à la gueule édenté, aux yeux jaunes menaçants, qui ne lâche pas ses proies. Il tourne autour du bateau au mouillage dans une crique. Dans ce navire, des pirates, chargés par leur capitaine de plonger à la recherche d'un trésor. Le problème dudit capitaine est donc d'éloigner suffisamment le crocodile afin de permettre à ses sbires de trouver ledit trésor.

Dans le roman originel écrit par James Matthew Barrie, le crocodile poursuit inlassablement le Capitaine James Hook, après lui avoir avalé sa main (coupée par Peter) et un réveil. L'animal symbolise le temps et la mort qui attend inéluctablement l'adulte qu'est Hook, à la différence de Peter qui refuse de vieillir. Ce pourquoi ils sont ennemis d'ailleurs.
Régis Loisel place son histoire avant ces évènements, et leur donne une explication. C'est là l'objet de son entreprise. Donc son crocodile n'a pas encore ingurgité la main ni le réveil du capitaine.
L'énorme archosaurien est le gardien du trésor des êtres fabuleux qui habitent l'île, Neverland ou le Pays Imaginaire. Une des sirènes, Poteline, éprise du captain, lui a révélé l'existence de ce trésor. Désormais le cupide personnage n'a qu'une idée en tête, s'accaparer ce butin, même s'il doit sacrifier tous ses hommes.

Peter lui même va échapper de peu aux dents du croco. Alors que le capitaine escompte exploiter le pouvoir de voler du jeune garçon, il le menace de le jeter au monstre. Ce qu'il fait finalement, mais la fée Clochette intervient in extremis. Ce qui nous vaut une séquence mémorable.

Mais les scènes les plus terribles sont plus loin. Dans le tome 4 "Mains rouges", le capitaine décide de trucider Poteline, qu'il ne peut absolument pas saquer, et après l'avoir blessée la rejoint sur des épaves pour l'achever. Mais le gardien saurien surgit, et s'en prend au colérique chef des pirates. La séquence se déroule sur plusieurs planches (28 à 37), démontrant au passage le talent de Loisel qui maitrise tant le déroulé que le suspense, et l'humour. Terrible ! Voir la planche 32 ci-dessous.

Ce passage se termine dramatiquement par le moment où Peter tranche le poignet du capitaine et jette la main dans la gueule béante du vorace. A noter le tic-tac-tic-tac qui accompagne le terrifiant animal, étant donné qu'il a avalé le fameux réveil auparavant. Mais le fait d'avoir savourer la main du capitaine le persuade que le reste du corps serait à son goût...
Autre séquence tragique, limite gore, dans l'épisode suivant ("Crochet"). M. Mouche, qui surnomme le crocodile gros pépère et le gave du contenu des poubelles, pense avoir trouver la solution pour le neutraliser. Par un pantin vétu d'une redingote, censé représenter le capitaine et leurrer le gros. Se croyant débarrassés du gardien, les pirates mènent une autre expédition sur l'île. Mais pour échapper aux indiens, ils se perdent dans un marécage. Soudain résonne le driiinnnggg d'un réveil, et là panique à bord ! Un des pirates se fait choper par le monstre qui le broie dans sa gueule ensanglantée. Se croyant à l'abri dans une grotte, le capitaine et les survivants s'aperçoivent que c'est l'antre de la bête, et lui échappent de justesse. On n'est plus chez Disney, là.


Le dernier opus de cette admirable BD comporte encore une scène où intervient le fatal crocodile. Une ultime apparition, un autre meurtre cannibale, dont la victime est Rose, petite maman des enfants perdus. Instant tragique qui heurte les esprits, mais que le temps qui passe si vite sur l'île imaginaire fera tomber dans l'oubli. Le gardien aux dents longues et à l'estomac bien rempli reste en place dans son antre, et le réveil ingéré lui rappelle que le petit être colérique qui commande aux gens du bateau sera bon à croquer. Vraiment, comme on le chante dans "Peter Pan" :


" Never smile at a crocodile
No, you can't get friendly with a crocodile... "



© .Loisel & Vents d'Ouest


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Lockjaw the alligator

Cette bande est une exception parmi la production de Jack Kirby. Une des très rares incursions du King dans le domaine du comique, plus encore des funny animals comics !
Mobilisé pendant la WWII, Kirby risqua sa vie lors de la libération de la France, notamment durant la terrible bataille de Metz en 1944. De retour au pays il reprend son activité de dessinateur, avec son collègue Joe Simon. Mais aux States le marché du comic book est saturé, trop de productions. Le duo se retrouve à travailler pour Hillman Comics de Ed Cronin.
Souvent amenés à s'inspirer de ce qui se vend bien, nos deux artistes proposent plusieurs bandes humoristiques pour le titre PUNCH AND JUDY, dont "Lockjaw the alligator". Pas vraiment un funny animal comme Albert Alligator, car en fait Lockjaw est le seul animal de la bande travaillée en style réaliste caricatural.
La première histoire de 7 planches paraît dans le n°10 de mai 1947. Elle nous apprend comment le professeur Microbe J. Butterbrain, en expédition dans les Everglades, fait connaissance avec un surprenant spécimen des crocodiliens. Surpris d'avoir affaire à un alligator qui parle, qui plus est affublé d'un chapeau melon et effectuant sa toilette, le prof va l'emmener à Big City, où les ennuis commencent.

Notre cordial alligator va finalement se plaire à New York. Il sera vêtu, se tenant debout, sachant se servir de ses mains, et initié aux mœurs de l'époque. Toutefois un tel animal ne saurait passé inaperçu, bien qu'il soit totalement accepté par les humains. Le voici donc invité à un rendez-vous galant où il démontrera à sa cavalière son art de la danse. Il sera choisi comme modèle par une marque de dentifrice, évidemment. Et ne manquera de partir camper dans les monts Popacatapetl...
Le principal ressort humoristique de la bande est comment Lockjaw utilise le pauvre prof comme un club de golf, pour se faire comprendre d'un interlocuteur qui ne veut entendre raison. Un argument massue !

Il convient de voir ici une allégorie du plouc sorti des marais de Floride, notamment des Everglades dont l'alligator est un des animaux symboliques. L'accoutrement de Lockjaw, son comportement sans finesse, son langage, tout tend vers une représentation caricaturale du floridien de base, le melon accentuant le coté bluesy du personnage. L'influence de Albert doit y être pour quelquechose.

Mais la carrière de Lockjaw sera de courte durée. Après quatre épisodes, réalisés par Joe Simon et Jack Kirby, la bande disparaît des pages de PUNCH AND JUDY. Car c'est à cette époque que le tandem lance le concept des romance comics (YOUNG ROMANCE chez Prize), dont le succès sera immédiat.

Le nom lockjaw peut se traduire par tétanos, donc maladie sévère. Mais si on le décompose, lock fait référence à une fermeture, au fait de fermer à clé, et jaw signifie mâchoire. Quand on sait que le crocodilien possède une des plus puissantes mâchoires du règne animal, cela ce tient...
Pour finir, notons que "Lockjaw the alligator" n'est pas le seul funny animal produit par le duo pour le titre de Hillman. Les compères réalisèrent aussi "Rover the rascal" (#9) qui met en scène une famille de chiens, et trois récits de "Earl the rich rabbit", un lapin qui se la coule douce... à découvrir ici.


Merci au site au site kirbymuseum.org, ainsi qu'aux blogs bennypdrinnon.blogspot.com  et voiceofodd.blogspot.com entre autres.

© Kirby, Simon, Hillman.

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Prémolaire, une dent contre le système ?

Restons dans ce contexte d'un crocodilien anthropomorphe esseulé au sein de la société humaine avec ce personnage. "Prémolaire" est une création de Guy Mouminoux pour les éditions catho Fleurus, avec qui il collabore depuis l'immédiat après-guerre. Il est entre autres le dessinateur de la série moyenâgeuse "Blason d'Argent", scénarisée par Guy Hemblay (Jean-Marie Pélaprat).
N° 48 de décembre 1976
On est à l'aune des années 70, les fameuses décennies des Trois Glorieuses touchent à leur fin, la crise pétrolière n'est pas loin, et le plein emploi en a un coup dans l'aile. Jusqu'à présent Mouminoux a réalisé des bandes tout public, dans l'air du temps. Pour PILOTE à cette époque il produit "Goutatou et Dorochaux", deux matous marins à la recherche de la bonne fortune sur leur rafiot le Beautiful.
Mais passe mai 68, la rébellion face à Goscinny à PILOTE, puis la mise en place des pages d'actualité. La BD se politise, Mouminoux y participe.
Chez Fleurus on n'en est pas là. L'hebdo J2 JEUNES, successeur du mythique CŒURS VAILLANTS, devient à son tour FORMULE 1, avec un premier numéro sorti en octobre 1970 dans la continuité.Pourtant...

Dans une bande verticale apparaît graphiquement un crocodile, qui fait montre d'un humour corsé. L'animal se tient debout trainant sa queue, non vêtu, doté de mains légèrement palmées et d'un dos recouvert d'écailles. Deux dents dépassent de la mâchoire supérieure. Tout de suite cet archosaurien se déclare inoffensif, loin de l'image du sauvage vorace dont tout le monde a peur. Pourtant on le découvrira assez vite, la faim tenaille cet animal. D'ailleurs les difficultés liées à la possibilité de l'assouvir seront l'un des ressorts de cet bande humoristique.
Mouminoux nous présente un paria, crocodile parmi les humains, et en plus sans le sou. Il devra donc mendier (quelle honte, mais parfois la faim peut le justifier), ou alors ruser. Derrière ce concept si souvent utilisé par des humoristes (depuis Felix the cat ou Charlot Chaplin), Mouminoux y colle une critique de la société de consommation alors en pleine expansion, où l'on ne veut voir ni les exclus ni la pauvreté. N'oublions pas les luttes de l'association ATD Quart Monde à cette époque.

Les quatre bandes du FORMULE 1 n°11 du 14 mars 1973

Prémo rencontre son créateur
Donc voici notre Prémolaire * rodant autour de la rédaction du journal (dont le responsable est M. Matelot, sosie du véritable rédac'chef Pierre Marin), ou cherchant le moyen de se sustenter auprès de la vendeuse de frites ou du marchand de sandwiches. Les négociations sont raides, argumentées, mais souvent vaines, ou se terminent par la vaisselle pour payer le manger. Les dialogues cognent sans en avoir l'air.
Prémolaire se fait même souvent avoir par un autre clodo, le comble pour lui qui se pense au dessus du commun des mortels. De plus, la poisse le poursuit, et notre croco se retrouve parfois au poste. A ce propos il possède dans le dos une poignée dont l'agent se sert pour le transporter au commissariat. Une allusion certainement à la maroquinerie en peau de croco, dont Mouminoux, qui a longtemps vécu dans la dèche, ne doit pas être amateur...
Enfin, avouons-le, en cette France du travail, Prémolaire se revendique fainéant et ne recherche aucun boulot. On dirait presque que c'est un adepte du manger facile. Mais s'il le revendique, même les protestataires du régime n'acceptent pas son concept, et le chassent. Ce qui lui fait dire : « Nous vivons dans un monde de velléitaires. Personne n'ose aller au bout des faits ! »

* rappelons que les crocodiliens ne possède que des incisives
FORMULE 1 n°1 du 2 janvier 1974
Cette tendance à la critique de Mouminoux ne l'empêche pas de produire "Prémolaire" pendant une décennie. La série au début est présentée en quatre bandes verticales qui encadrent deux pages de rédactionnel divers. Elle paraît de façon épisodique, ce qui représente presque 90 planches pour les quatre premières années. Au n°1 de janvier 1974, la publication se fait en une planche classique. A partir de là les gags sont numérotés, Guy Mouminoux va en enchainer une grosse centaine jusqu'en 1981.
Des n° 1 au 19 de 1980, Prémolaire est le héros (malheureux) d'une histoire à suivre, "Les bons, les brutes et Prémolaire". Une aventure farfelue qui préfigure celles futures de Eugène Krampon de la série "Le Goulag". Un ton plus adulte, tant dans les intrigues que graphiquement. Après avoir été complice involontaire de Jojo la Ferraille, Prémolaire est suspecté par le commissaire Baluchon qui le fait passer pour un membre de la bande à Bébert, qui alors va chercher à s'en débarrasser. Prémolaire ne devra sa vie après avoir avalé un micro explosif qu'à ses sucs gastriques excessivement efficaces. Sa condition de crocodile lui est utile, pour une fois. La suite est du même tonneau, et Prémolaire s'en tirera de justesse. Un polar étonnant pour le jeune lectorat de cet hebdo des éditions Fleurus.


Mais  FORMULE 1  n'est pas à la fête, ni DJIN le descendant d'ÂMES VAILLANTES, destiné aux filles. Les deux titres fusionnent en un seul, TRIOLO, qui ne pourra plus publier autant de BD. L'occasion pour la rédaction de pousser Mouminoux vers la sortie, avec Prémolaire et Riffifi (une autre bande animalière qui avait trouvé refuge dans FORMULE 1 après avoir été éjectée de TINTIN).
Prémolaire disparaît, mais l'éditeur Glénat reprend une grande partie des gags et récits en 4 albums entre 1978 et 1980.
Dans un dossier consacré à la production de Mouminoux chez Fleurus et plus précisément à "Prémolaire", HOP ! 143 (septembre 2014) précise ceci : « Prémolaire est le portrait moral d'un copain de l'auteur représenté sous la forme animale. »
En tous cas Mouminoux aura exacerbé la réputation de sale bête du saurien pour montrer une image des sans-rien et des exclus du système productiviste et consumériste. Tout en mettant en avant leur dignité, comme Prémolaire qui malgré ses déboires n'a jamais plonger dans la délinquance ou le délit. La resquille, la débrouille, pas le vol ni la tôle...


© Guy Mouminoux, éditions Fleurus, éditions Glénat

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Auguste et Croco, habitants de la Jungle

Croco
Auguste
Nous avons là deux cas antagoniques de l'ordre crocodilien. Le vorace et le frugal, le brut et le sensible. Un qui vit par son estomac, l'autre par son esprit. Toutefois, ils ont un point commun. Ce sont de grands gamins.


Auguste est un des fous de la Jungle en folie. C'est un pote à Joe le tigre, Gros Rino et tous les membres de l'asile sylvestre créé par Godard et Delinx (se rapporter à la page "Les oufs de la Jungle" ici).
Si Auguste est le poète des hôtes de ces bois, il est aussi le dragueur des hôtesses de cette jungle. Il taquine la muse autant que la gente féminine. Il se veut peintre, musicien, écrivain, comédien, bref, il n'a rien à voir avec un sauvage saurien.

Où l'on retrouve le gag du pluvian...

Graphiquement on lui prêterait des faux airs de Albert de la bande à Pogo, désigné ci-dessus. Lui non plus n'a pas de dents, et ses formes sont toutes en rondeurs. Mais c'est un affectif là où son ainé floridien est un prosaïque. Amateur de Walt Kelly, Christian Godard se détourne de l'image du crocodile aux dents longues pour faire de Auguste un personnage dont l'ambition se heurte à son manque de courage à vaincre les difficultés.
Un antique Auguste fut le premier des empereurs romains, et on lui doit l'adjectif signifiant majestueux, digne, imposant. Si notre crocodile est auguste, ce ne peut être que dans le domaine des arts (bien qu'on puisse en douter). Mais Auguste est aussi le nom d'un clown, celui tout bariolé qui fait rire par ses gestes désordonnés et ses grimaces, à l'opposé de son partenaire le rigide Clown Blanc. Notre Auguste est ce clown, souvent affublé d'un chapeau, et ses attitudes grotesques sont sans doute à rechercher dans ses tentatives artistiques. A pleurer (de rire) des larmes de crocodile...



Croco est le compagnon de Fastefoude, enfant indien de la forêt tropicale. Les deux sont les principaux protagonistes de la série qui porte leurs noms, "Croco et Fastefoude". Quatre albums édités par Casterman entre 1999 et 2002. Gilbert Bouchard, vieux briscard de l'humour, signe ces gags dessinés par le non moins briscard de la BD Pica, alias Pierre Tranchand.
Le crocodilien et le garçon sont copains comme cochons. Quoique. La garantie de l'amitié entre ces deux personnages est sujette à l'estomac du premier, un crocodile qui a toujours les crocs (je ne l'invente pas, c'est le titre du tome 2). C'est là le ressort comique de la série.
Le cadre est une forêt, sorte de jungle amazonienne, mais qui côtoie la brousse à son orée. Pourquoi pas. Nos z-héros ne sont pas seuls, on dénombre python, tigre, singes, éléphant, rhino voir même zèbre, c'est l'Arche de Noé.  Ha oui !  Il s'y trouve en sus des hommes, blancs le plus souvent, dignes représentants de la civilisation de la même couleur, et en cela porteurs de projets nocifs à l'écosystème local. Généralement ça ne se finit pas bien pour eux.
On est pas loin de "La Jungle en folie", le rhinocéros porte le même débardeur que Gros Rino.

D'aucuns ont vu dans cette série un dérivé comique du" Jungle book" de Kipling, justifié par le fait que le tigre est appelé Ce cher Khan, que le boa a des faux airs de Kaa, et que le petit Fastefoude pourrait être un cousin de Mowgli. Soit ! Mais il n'y a pas de crocodiliens dans "Le Livre de la jungle" *. Ici oui, et un fameux ! Celui là au moins colle à la réputation de son espèce, c'est à dire que quand il ne sommeille pas, il cherche à bouffer. De la chair humaine de préférence. Et c'est là qu'il y a embrouille avec son jeune collègue, qui n'accepte pas son régime alimentaire. Mais difficile de lui faire changer ses habitudes, et quand à le mettre à la diète...
* Dans "Le second livre de la jungle", si. Le Mugger Ghaut de la nouvelle "Les croque-morts".

Cela dit Croco n'a la dent dure que contre ceux qui ne sont pas tendres avec lui, comme il le précise lui-même. Il n'est pas méchant, c'est un camarade jovial, toujours prêt à s'amuser ou tenter diverses expériences rigolotes. A la différence de son cousin Crocodile Dandy qui est plutôt tourné vers le bizness, une sorte de requin des affaires. Croco n'est pas fut-fut, certes, mais c'est un bon copain. Et puis s'il croque au passage un missionnaire ou un promoteur bétonneur, ben, c'est pas si grave...

 © Christian Godard & Mic Delinx, Bouchard & Tranchand, Casterman

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Il existe une espèce rare, Crocodilus Palombius, ou le caïman de Palombie. En voici un exemple :
Extrait du t26 du Marsupilami, par Colman et Batem (2012)

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Monsieur Crocodile a beaucoup faim
Joann Sfar - Bréal Jeunesse, 2003 (rééd Gallimard Jeunesse juin 2010)

C'est l'histoire d'un crocodile, Monsieur Crocodile, qui se laisse guider par ses instincts, et le premier d'entre eux, pour un croco, celui d'assouvir sa faim. Après il va dire qu'il suit l'éducation de sa maman, mais bon. On y revient toujours avec cette espèce.


Mais comme il ne lui en est point aisé de trouver de la nourriture à son goût et en quantité suffisante, l'archosaurien passe son temps à ça. Donc pas de loisir, ni de partie de plaisir avec la jolie croco.
Un cochon tente de le doubler pour sauver sa couenne, peine perdue.



Puis un petite fille essaie de lui apprendre la civilisation et la nourriture qu'on achète, ça ne prend pas mieux. Monsieur Crocodile en profite pour dévorer des gens la nuit. Finalement mis en zonzon, il rencontre les parents de la petite qu'il libère du pénitencier.


Sfar nous livre ici une fable moderne, qui nous pousse à réfléchir sur nos rapports avec la boustifaille, et plus généralement avec cette société d'ultra consommation (Prémolaire revient !).
Il campe un Monsieur Crocodile ignorant, mais malin et persévérant. Et c'est ce tempérament primaire et primitif qui le sauve dans la jungle urbaine, et même mieux, qui lui assure son insertion sociale.

Un passage nous renvoie à "Animal farm" de Orwell, lorsque le cochon, qui dans son plan prévoit de livrer des congénères au crocodile, tente de les convaincre. Les yeux hallucinés et le sourire narquois rappelle le tyrannique César. Mais ici le populiste est pris à son propre piège.

© Sfar, Gallimard Jeunesse

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Les crocos de Loïs

Le dessinateur Julien Loïs est un as des couv, il en a réalisé plusieurs pour le défunt mag' AAARG !, utilisant souvent la parodie anthropomorphique (voir à ce propos la page AnimAaarg! ici). Les crocodiliens y sont évidemment à leur place. Comme on le constate sur la couverture du n°4, à droite.
Toutefois Loïs place directement les archosauriens parmi les personnages de mauvaise vie. Comme preuve, les deux illus suivantes.
La première, parue dans le premier numéro de la revue, nous montre trois lascars se tenant à l'affut de l’hilare hippopotame, qui ne va pas tarder à savoir que c'est pas son jour. Sont-ce là de lointains cousins du croco de Gotlib qui a fini en sacs et chaussures de luxe à cause d'un irascible hippo, décidés à le venger ? (voir plus haut) En tous cas ils respectent un gag que le maître Marcel a maintes fois mis en case.


La seconde illustration est celle qui a composé le poster-pub du n°3 (printemps 2014), qui témoigne de la brutalité de l'amphibien animal. Bref, inutile de compter sur Julien Loïs pour refaire la réputation des crocos...

© Julien Loïs, Aaarg! Editions.

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